Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Histoire électorale de Banyuls sur mer
Histoire électorale de Banyuls sur mer
Publicité
L'Auteur

Claude Razouls-1

Visiteurs
Depuis la création 2 431
Archives
27 août 2017

25 - Présidentielles des 5 et 19 décembre 1965

25 - Présidentielles des 5 et 19 décembre 1965 

 

Le référendum du 28 octobre 1962 prévoyait que la future élection du président de la République aurait lieu au suffrage universel.

Le texte stipule que seuls les deux candidats arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second. Pour être candidat, il faut recueillir 100 signatures de maires, députés ou sénateurs, conseillers généraux, réparties dans dix départements au moins.

La campagne est lancée très tôt par "L'Express" (1) qui annonce un Monsieur "X", en qui l'on reconnaîtra vite Gaston DEFFERRE (maire de Marseille, représentant l'aile sociale-démocrate de la SFIO).

La tentative de regroupement des forces politiques non communistes, qui va du Parti socialiste SFIO au MRP, échoue entre autres, sur la question de l'école libre. Le concept de Grande Fédération est vite enterré et DEFFERRE retire sa candidature.

           

François MITTERRAND (C.I.R.) se déclare candidat, recevant le soutien de la SFIO, des radicaux, et de personnalités comme MENDÈS FRANCE (qui ont constitué la FGDS) (2) et du PSU. Le 21 septembre, il déclare: "Contre le régime du pouvoir personnel, il faut recréer la république des citoyens". Mais, fait important, le Parti communiste avec Waldeck ROCHET (nouveau secrétaire général) appuie cette candidature bien qu'aucun accord de programme n'existe (les "réalistes" l'emportant sur les "doctrinaires").

Pour le Centre, P. PFLIMLIN ayant décliné l'offre, et après le refus d'Antoine PINAY (Indépendants), Jean LECANUET, 45 ans, ancien président du MRP, sera candidat et défendra les thèses européennes qui constituent le différend entre ces formations politiques (en déclin) et de GAULLE. Surnommé "dents blanches" il crèvera les écrans de télévision, révélant d'une manière incontestable l'importance de ce média sur la vie publique.

À l'extrême droite le candidat est Maître TIXIER-VIGNANCOUR, qui tente de "récupérer" les rapatriés d'Algérie (3).

Après avoir entretenu le suspense, le président de la République Charles de GAULLE (4) se prononce le 4 novembre, et on traduira sa déclaration de candidature par la formule lapidaire : "Moi ou le chaos".

L'originalité de la campagne tient à l'impact de la télévision, maintenant largement répandue dans les foyers, et que néglige DE GAULLE, comme d'ailleurs les sondages qui font leur apparition.

Pour la première fois, les Français entendent un autre langage et découvrent le dynamisme de MITTERRAND et LECANUET, le tribun TIXIER-VIGNANCOUR, le sérieux de MARCILHACY, et la bonhomie d'un candidat "folklorique", Marcel BARBU.

 

Le contexte politique est calme durant cette année 65 et les réalisations non négligeables.

 

Résultats (1er tour) :

                          Banyuls                         Département                Métropole

Inscrits:         2632 (+ 104 / nov 62)         162.867                    28.233.137

Abst.:                438 (16,65%)                   (19,22%)                  (14,98%)

Votants:        2194 (83,35%)                    (80,78%)                  (85,02%)

Blancs:               20 (  0,91%)                    (  1,27%)                  (  1,02%)

S.Expr.         2174 (82,60%)                    (79,76%)                  (84,14%)

 

MITTERRAND:    935 (43,00%S.E)       (40,80% S.E)            (32,23% S.E)

DE GAULLE:        781 (35,92% --)         (34,76% --)               (43,71% --)

LECANUET:         274 (12,60% --)         (11,83% --)               (15,85% --)

TIXIER-VIGN.:    134 (  6,16% -- )         (10,35% --)               (  5,27% --)

MARCILHACY:     37 (1,70% -- )          (  1,35% --)               (  1,73% --)

BARBU:             13 (  0,59 % --)             (  0,86% --)               (  1,16% --)

 

Remarques :

Les abstentions sont parmi les plus faibles, à peine supérieures au record atteint lors du référendum de 1958. Ceci est vrai à Banyuls (+2,8%), mais en baisse pour le département  (-1,08%) et pour la métropole (-0,62%).

Les bulletins blancs ou nuls sont plus élevés depuis quelques élections, mais leur signification demeure obscure compte tenu de l'éventail des candidats (sauf l'absence de candidats écologiste, du PSU et royaliste).

MITTERRAND arrive en tête à Banyuls, ce qui ne constitue pas une surprise, mais avec un score relativement étriqué, correspondant aux seuls communistes, socialistes (SFIO + "Alduystes") et quelques radicaux (= 964 voix à la législative de 1962).

DE GAULLE progresse nettement par rapport à son représentant départemental de 1962 (+333 voix), mais moins que lors du référendum sur le mode d'élection du président (-137 correspondant à des électeurs modérés et . . . autres). Au plan national la situation est différente puisqu'il fait le pourcentage de MITTERRAND à Banyuls.

LECANUET fixe les électeurs MRP (non structuré à Banyuls, sinon les voix catholiques) et du centre droit. Sur le plan national son score est loin d'être négligeable, et est responsable du ballottage du Général, qui aurait pu dépasser la barre des 50 %.

TIXIER-VIGNANCOUR recueille les voix des "pieds noirs" (surtout à Perpignan, comme le montre son score départemental) peu importantes à Banyuls, et où se manifeste la présence d'une droite nationaliste ("La Corrèze avant le Zambèze", après avoir été le chantre "de Dunkerque à Tamanrasset").

Aucun candidat n'ayant obtenu la majorité absolue, les deux candidats arrivés en tête se représentent.

Le ballottage n'est pas une surprise du fait de la non-campagne de DE GAULLE, et des ardeurs de LECANUET et MITTERRAND.

Compte tenu du fort taux de participation prévisible, tout se jouera au second tour sur la "ventilation" des voix de LECANUET.

La campagne devient plus âpre, mobilisant . . . les artistes de la chanson et les sportifs, lesquels se répartiront dans chaque camp.

Jean MONNET, le père de l'intégration européenne, appelle à voter MITTERRAND . . . ainsi que toute l'extrême droite (par vengeance ?!), y compris un certain . . . Pierre SERGENT !. Quant à LECANUET, afin d'éviter l'éclatement du MRP, il se contente de parler de l'Europe unie et de l'Alliance atlantique ( thèmes peu gaulliens).

Un renfort inattendu (à peine) avant le premier tour était venu . . . de Moscou pour soutenir, non le candidat soutenu par le PCF, mais DE GAULLE (l'homme de "l'Europe de Brest à … l'Oural") dont le bilan en politique extérieure est jugé globalement positif (5). Ce qui est vrai pour le spectaculaire, mais moins en ce qui concerne le commerce extérieur (Qu'est devenue "la mano en la mano" de Mexico au mois de mars de l'année précédente?).

Au cours de trois entretiens avec Michel DROIT à la télévision, de GAULLE corrige les erreurs du premier tour, et vise naturellement les électeurs de LECANUET, d'où sa réaliste mais curieuse formule : "il ne suffit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri et de crier Europe ! Europe ! pour que tous les problèmes soient réglés".

François MITTERRAND se présente comme le candidat de tous les républicains (6), non l'otage du PCF, et paradoxalement son jeune âge (49 ans) fait oublier qu'il est l'un des vieux routiers de la IVeRépublique et ancien ministre de la Justice dans le  gouvernement de Guy MOLLET en 1956.

           

Résultats (2 ème tour) :

                        Banyuls                           Département                    Métropole

Inscrits:         2632 (+104 /nov 62)           162.797                         28.223.198

Abst.:               447 (16,99%)                    (18,22%)                       (15,45%)

Votants:        2185 (83,01%)                    (81,78%)                       (84,50%)

Blancs:               33 (  1,51%)                    (  2,90%)                       (  2,79%)

S.Expr.:        2152 (81,76%)                    (79,57% )                      ( 82,15% )

Mitterrand:   1279 (59,43% S.E)               (57,52% S.E)                (45,50% S.E)

De Gaulle:       873 (40,79% --)                (42,48% --)                   (54,50% --)

 

Remarques :

Les abstentions sont à peine plus élevées qu'au premier tour aussi bien à Banyuls (+0,34%) qu'en métropole (+0,52). Par contre elles sont en diminution dans le département (-1%).

MITTERRAND gagne +344 voix sur le 1er tour, par gain d'abstentionnistes du 1er tour qui remplacent une partie des voix de TIXIER-VIGNANCOUR + LECANUET (408) qui ont dû s'abstenir, ou voter en partie pour DE GAULLE.

DE GAULLE progresse de 97 voix, il n'a donc bénéficié que d'une très faible partie des voix des trois autres candidats (445).

Et pourtant le total indiquerait bien que les voix de ces candidats se sont bien reportées au second tour : 344 + 97 = 441.

Seul un examen des cahiers d'émargement pourrait résoudre la question des transferts de voix.

S'il y a eu un chassé-croisé de 10% des inscrits, ce sont 263 électeurs qui seraient venus voter au second tour.

La gauche est minoritaire au 1er tour à Banyuls (935 contre 1126), et le second tour peut n'être qu'une illusion, mais il y a bien eu renfort par des abstentionnistes du 1er tour.

Notons que les élus départementaux de la gauche n'ont pas brillé par leur zèle en faveur de MITTERRAND.

 

Conclusion :

Si DE GAULLE est de nouveau élu pour 7 ans, cette élection apporte de nombreux enseignements.

Le rôle de la télévision devient considérable, et peut être redoutable pour certains des candidats.

Le Président "sortant" apparaît bien comme la clé de voûte de l'exécutif (et subit alors directement les critiques réservées généralement à son Premier ministre). Il apparaît aussi comme le chef d'une majorité parlementaire.

La candidature de MITTERRAND constitue l'amorce d'une union de la gauche non communiste (La FGDS n'est encore qu'une fédération de partis, mais la réussite de son candidat en fera un leader incontesté et il en deviendra le président).

Le soutien du PCF n'est pas suffisant tant que DE GAULLE est au pouvoir.

Le Parti radical ne constitue plus une force politique suffisante, tandis que le centre droit (Centre Démocrate, représenté par l'ex-MRP: européen, libéral, et pour l'école libre) auquel s'associe le CNI, s'affirme.

  Le "poids" de l'exécutif (et des technocrates) apparaît trop pesant, et si l'amélioration du niveau de vie se poursuit, une morosité existentielle diffuse existe. La modernisation comme le centralisme ont leur coût.

Enfin les jeunes électeurs (à vrai dire encore peu nombreux) n'ont pas le même mythe du gaullisme que leurs aînés.

Un voile pudique entoure les dépenses de ce type de campagne électorale : la démocratie n'est pas encore devenue hors de prix! comme elle le deviendra ultérieurement (ce qui entraînera des partis politiques et divers chefs d'entreprise à commettre des abus de biens sociaux).

 

Notes annexes :

(1) Cf.  "L'Express" L'aventure du vrai.  Edit. Albin Michel (1979)

(2) Créée en novembre 1965 afin de regrouper la gauche non communiste (Convention des Institutions républicaines, Parti Socialiste SFIO, Parti Radical). Cf. France MOLTERRIÈRES In "Politique aujourd'hui", N°3, mars 1969.

(3) Ancien Secrétaire à l'Information (sic) sous Vichy. Rappelons qu'en tant qu'avocat il a plaidé lors des procès des chefs de l'OAS. Cf. TIXIER-VIGNANCOUR, des Républiques des justices et des hommes, mémoires. Edit. Albin Michel (1976)

(4) Elu par un collège élargi à 80 000 grands électeurs le 8 janvier 1959, pour sept ans. Cf. Gilbert GUILLEMINAULT. Le roman vrai de la Ve République, L'Etat c'est lui 1959-1960. Edit. Julliard (1980).

(5) : Notons que de GAULLE développe une force de frappe nucléaire indépendante, et critique la politique militaire des USA au Viêt-nam.

(6) Sa prise de position dès 1958 contre le retour du général de GAULLE au pouvoir et la publication de son livre "Le coup d'Etat permanent" (1964 ) ont facilité les ralliements à sa candidature. Ouvrage qu'il sera quasi impossible de se procurer par la suite. On oubliera aussi le vrai-faux attentat du jardin de l'Observatoire (16/10/1959) auquel il se serait prêté au dire de "Rivarol" (22/10). TIXIER-VIGNANCOUR et LE PEN l'accuseront d'avoir été de connivence avec ses "pseudo-tueurs". Il sera défendu par Maître François SARDA (7). Beaucoup pensaient alors que son avenir politique était définitivement compromis ("Le Monde" du 28/10). La politique, comme la science, est une longue patience, comme aurait pu l'exprimer le célèbre naturaliste Georges LECLERC DE BUFFON s'il avait été notre contemporain. 

(7) Avocat honoraire au Barreau de Paris, ancien maire de Campôme dans les Pyrénées-Orientales, auteur d'un ouvrage remarquable sur "Les ARAGO, François et les autres". Edit. Tallandier (2002).

 

Page précédente

Page suivante

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité