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Histoire électorale de Banyuls sur mer
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Claude Razouls-1

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27 août 2017

59 - Présidentielles des 23 avril et 7 mai 1995

59 - Présidentielles des 23 avril et 7 mai 1995

           

Le Président F. MITTERRAND, âgé de 78 ans et traité pour un cancer depuis de nombreuses années (1), ne se représente pas. La cohabitation fut relativement paisible avec un Premier ministre, E. BALLADUR, issu d'une majorité de droite lors des dernières élections législatives de 1993.

Jacques DELORS, donné comme candidat du Parti Socialiste, et avec des chances sérieuses d'après de nombreux commentateurs politiques, confirme lors d'une interview à la télévision sa non-participation. Les raisons avancées demeurent pour le moins obscures sinon celles de ses positions européennes (non partagées par l'ensemble des forces de gauche). C'est finalement Lionel JOSPIN, en retrait de la politique depuis quelques années, que le PS investira à la surprise relative de beaucoup. Plus pédagogue (ce qui n'est pas péjoratif) que tribun, son charisme  ne constitue pas sa vertu essentielle et le soutien de F. MITTERRAND reste discret, n'ayant sans doute apprécié que modérément des déclarations sur le devoir d'inventaire de la "Miterrrandie".

  Les écologistes (Verts) présentent de nouveau Dominique VOYNET. Le programme propose, entre autres, la durée de travail à 35 heures en préparant le passage à 30 heures, la parité femme-homme dans la vie publique et privée, la sortie progressive du nucléaire, l'harmonisation européenne sur les programmes des écologistes. On note dans son comité de soutien la présence de Charles FITERMAN et Marcel RIGOUT (ex-PCF et anciens ministres), mais aussi des personnalités un peu vieillies comme René DUMONT (ancien candidat à la Présidentielle), Théodore MONOD (2) et le dessinateur CABU. Mais ni B. LALONDE ni A. WAECHTER n'appellent à voter pour elle démontrant par là qu'elle n'est pas la candidate des seuls écologistes.

À gauche, on retrouve les candidats traditionnels que sont Robert HUE pour le PCF et Arlette LAGUILLER (Lutte Ouvrière).

La surprise relative vient une nouvelle fois de la droite avec deux candidats du RPR. Le Premier ministre Édouard BALLADUR et Jacques CHIRAC ne parviennent pas à s'entendre pour que l'un s'efface devant l'autre (on ne saura jamais clairement si un accord avait, ou non, été passé antérieurement entre les deux hommes) (3). Pour beaucoup cependant CHIRAC était le candidat naturel pour cette élection. Il est à noter qu'aucun Premier ministre en exercice n'avait brigué cette fonction, le pouvoir usant généralement, à moins que l'on ait fait … des miracles, ce qui n'est pas le cas compte tenu de la récession mondiale (malgré le satisfecit qu'il s'accorde dans sa profession de foi).

Pour CHIRAC, les Français ne doivent pas céder à la tentation du conservatisme (qui est visé?), il faut mettre en œuvre un vrai changement et non des demi-mesures, rendre l'exclusion impossible et combattre le chômage avec des armes nouvelles (lesquelles?) (4), sans oublier les personnes âgées dont la place n'est pas aux marges, mais au cœur de notre société (et les jeunes?). Réduire la fracture sociale (5), slogan choc de sa campagne, qui lui attirera avec une simplicité de bon aloi une sympathie certaine. Les intentions de vote en sa faveur, faibles au départ, montent au détriment de BALLADUR, dont le style doit davantage plaire aux personnes plus âgées qu'aux jeunes entrepreneurs.

Il est facile pour les hommes politiques d'énoncer des banalités générales en se gardant bien de les préciser les conditions d'application de leur mirifique programme.

Gérard DE VILLIERS, au nom des traditions familiales, conservateur et anti-Masstricht, prône une renégociation de ce traité.

Naturellement Jean-Marie LE PEN est une fois de plus candidat, défendant  la priorité aux Français, le rapatriement de trois millions d'immigrés dans leur pays d'origine (comment?), restaurer la justice avec le rétablissement de la peine de mort et la lutte contre les trafiquants de drogue, créer 4 millions d'emplois (comment?).

Jacques CHEMINADE, énarque dissident (!), présente un programme qui ne semble pas briller par sa lisibilité.

Résultats (1er tour) :

 

 

 

 

Banyuls

 

Département

 

Métropole

 

Inscrits:

3920

266.846

38.590.282

 

Abst.:

  816 (20,82 %)

 20,54%

20,59%

 

Votants:

3104 (79,18 %)

 79,46%

79,41%

 

Blancs & Nuls:

    59 (  1,90 %)

   2,56%

2,79%

S. Expr.:

3045 (77,68 %)

 77,43%)

77,20%

 

LE PEN:

  406 (13,33 %)

19,45%

15,27%

 

DE VILLIERS:

  140 (  4,60 %)

  4,36%

4,80%

 

BALLADUR:

  456 (14,98 %)

15,70%

18,54%

 

CHIRAC:

  728 (23,91 %)

19,01%

20,47%

 

JOSPIN:

  782 (25,68 %)

23,03%

23,21%

 

HUE:

  287 (  9,43 %)

10,64%

  8,73%

 

VOYNET:

    83 (  2,73 %)

  2,71%

  3,35%

 

LAGUILLER:

  159 (  5,22 %)

  4,88%

  5,37%

 

CHEMINADE:

      4 (  0,13 %)

  0,22%

  0,27%

 
               

 

À Banyuls, le nombre des inscrits s'est accru de +184 par rapport à la Présidentielle précédente (1988) soit 4,93%, tandis que l'accroissement à l'échelon national n'est que de 1,74%. On observe une certaine stabilité du taux d'abstention d'une élection à l'autre (+1,55% en 95) vraisemblablement non significative, de même pour les votes blancs et nuls (9 électeurs en plus en 1995) qui est proche de 2% des votants.

Contrairement à ce que d'aucuns avaient supposé à tort, JOSPIN arrive en tête avec un score inférieur à celui de MITTERRAND en 1988 (- 8,81% à Banyuls et -10,89 pour la métropole).

R. HUE fait mieux que le candidat du PCF en 1988 (+ 2,86% à Banyuls et +1,95% en métropole). Il est vrai qu'en 1988 LAJOINIE ne reflétait pas les forces de la joie! Si l'on cumule avec les voix de Pierre JUQUIN en 1988 (PCF dissident dit "rénovateur") l'écart n'est que de +1,07% (Banyuls) et - 0,15 (métropole) traduisant une stagnation du vote communiste.

A. LAGUILLER progresse fortement de +3,70% (Banyuls) et +3,37% (métropole) par rapport à 1988. Si l'on cumule avec les voix de BOUSSEL (autre tendance trotskiste) en 1988, l'accroissement est pour 1995 de + 3,43% (Banyuls) et + 2,99% (métropole)

Les écologistes qui se sont "gauchisés" (Les Verts de D. VOYNET par rapport à la candidature d' A. WAECHTER en 1988) régressent de - 0,47% (Banyuls) et de - 0,43% (métropole). Ils totalisent moins du million de voix, l'un des plus mauvais résultats.

LE PEN régresse de -1,40% (Banyuls), de -1,07% dans le département, et progresse très peu en métropole: + 0,86%. Dans le département, son score avec 20% (moyenne pour les élections de 1988 et 1995) est plus élevé que dans la métropole (14,84% en moyenne sur les deux élections).

DE VILLIERS, dont la position politique est intermédiaire entre la droite (au sens large) et l'extrême droite, n'atteint pas les 5% (sensiblement le même pourcentage à Banyuls et en métropole: ± 4,70%).

J. CHIRAC arrive en seconde position, en léger recul par rapport à 1988: - 2,29 % à Banyuls, mais progresse en métropole de +0,57%. Son score est meilleur à Banyuls, que pour le département et la métropole, dû sans doute à l'action de Jean RÈDE et la section locale du RPR.

E. BALLADUR arrive en troisième position, mais perd 8,93% par rapport à CHIRAC à Banyuls, et seulement 1,93% en métropole, ce qui semble bien confirmer "l'effet J. RÈDE". Si on lui suppose un électorat plus modéré de type centriste proche de celui de R. BARRE en 1988, il obtient 3,75% de plus que ce dernier à Banyuls et 1,99% pour la métropole. Ceci impliquerait que la fraction centriste à Banyuls (UDF) représente de 11 à 12%.

Au total les voix de droite totalisent à Banyuls 56,95% (ou 43,62% si l'on décompte les voix de LE PEN), celles de la Gauche 43,06%. A l'échelon national la droite totalise 59,35% (ou 44,08% sans les voix de LE PEN) et 40,66% pour la Gauche.

Le second tour ne peut être mathématiquement en faveur de L. JOSPIN, sauf un mouvement important d'un chassé-croisé des électeurs  et une diminution forte des abstentionnistes. Ceux-ci furent en 1988 de 5,7% à Banyuls et de 4,77% en métropole, avec un taux qui peut être considéré comme faible, mais général dans ce type d'élection (15,82% en métropole). Conclusion: Chirac  gagnera  à coup sûr.

Symétriquement, mais ne pesant pas du même poids (en nombre de voix naturellement), A. LAGUILLER comme D. VOYNET n'appellent pas à voter pour JOSPIN, comme LE PEN n'appelle pas à voter pour CHIRAC.

 

Résultats (2 ème tour) :

 

 

Banyuls

Département

Métropole

Inscrits:

3918

267.410

38.548.807

Abst.:

  659 (16,82%)

18,88%

19,49%

Votants:

3259 (83,18%)

 81,12%

80,51%

Blancs & Nuls:

  165 (  5,06%)

   6,76%

  6,01%

S. Expr.:

3094 (78,97%)

 75,64%

75,67%

CHIRAC:

1584 (51,20%)

51,77%

52,68%

JOSPIN:

1510 (48,80%)

48,23%

47,32%

 

Remarques:

Les abstentions ont régressé à Banyuls de 4% et de 1,1% en métropole. On observe que le taux d'abstention est légèrement supérieur à celui de 1988 (19,49% en métropole). Les votes Blancs et nuls ont par contre (mais tout naturellement) progressé de 3,16% des votants à Banyuls et de 3,22% en métropole.

505 inscrits ne sont venus à aucun des deux tours (8 décédés récemment); 144 électeurs sont venus au 1er tour, mais non au second, et 211 ne se sont déplacés que pour le second tour. La signature lors du scrutin de la liste d'émargement  destinée à éviter les fraudes permet un décompte précis des votants (sauf distraction du signataire et de la personne en charge du cahier, comme j'ai pu le constater au moins dans un cas, mais qui est exceptionnel)

À Banyuls CHIRAC accroît de + 856 voix son score du 1er tour, soit loin du total des voix de droite (1730); le total BALLADUR + VILLIERS + CHEMINADE = 600, soit à trouver 256 voix qui ne peuvent provenir que d'électeurs de LE PEN et de nouveaux venus seulement au second tour (par hypothèse une centaine ou moins) plus une partie des 49 suffrages exprimés en plus qu'au 1er tour. Il perd sans doute près de 54% des voix de LE PEN (406 -185 = 221)

JOSPIN accroît de + 728 son score du 1er tour, alors  que le total des voix de gauche (les siennes exclues) est de 529. Reste à trouver la provenance de 199 voix supplémentaires, sans doute des électeurs venus uniquement au second tour plus une partie des 49 suffrages exprimés en plus au second tour. Ou bien on adopte l'hypothèse d'un partage à peu près égal des nouveaux électeurs (environ 130) reste alors 69 électeurs à trouver. Il est probable que les nouveaux électeurs qui se sont reportés sur JOSPIN seraient plus proches de 150 sur 211 (soit ± 70%)

 

J. CHIRAC est élu Président de la République et nomme Alain JUPPÉ (RPR) comme Premier ministre. La majorité de droite élue en 1993 demeure inchangée, comme… la crise économique qui perdure (6).

 

Notes annexes:

(1) F. MITTERRAND décèdera le 8 janvier 1996 à l'âge de 79 ans. Voir une brève analyse de son parcours politique in "Le Monde" du mardi 9 janvier 1996, N° 15847. On consultera sur la politique menée sous sa direction:

"François MITTERRAND, Discours 1981-1995" (op. cit., 1995).

"Bilan de la France 1981-1993" sous la direction de Laurent MENIÈRE. Edit. Hachette (1993)

Pierre FAVIER et Michel MARTIN-ROLAND, La Décennie Mitterrand. 1. Les ruptures (1981-1984). Edit. Seuil ( 1990). 2. Les épreuves (1984-1988). Edit. Seuil ( 1991). 3. Les défis (1988-1991). Edit. Seuil ( 1996). 4. Les déchirements (1991-1999). Edit. Seuil (1996).

Jacques ATTALI, 1993, 1995. Verbatim. Edit. A. Fayard. Le livre de poche. Verbatim I. Première partie 1981-1983.  (1993). Verbatim I. Deuxième partie 1983-1986.  (1993). Verbatim II. 1986-1988.  (1995). Verbatim III. Première partie 1988-1989. (1995). Verbatim III. Deuxième partie 1990-1991.  (1995).

Paul WEBSTER: Mitterrand 1945-1995. Edit. Editions du Félin (1995)

et des ouvrages plus critiques:

Jean-Marie COLOMBANI & Hugues PORTELLI: Le double septennat de François Mitterrand. Edit. Grasset (1995)

Catherine NAY: Le rouge et le noir. Edit. Grasset (1984).

Très critique (mais "qui aime bien châtie bien"):

Max GALLO: La gauche est morte. Vive la gauche. Edit. Odile Jacob (1990).

Catherine NAY: Les sept Mitterrand ou les métamorphoses d'un septennat. Edit. Grasset (1988).

(2) Naturaliste de grand talent et philosophe. Cf. Cyrille MONOD: Les carnets de Théodore Monod. Edit. Le Pré aux Clercs (1997)

(3) Cf. Michèle COTTA: Les secrets d'une victoire. Edit. Flammarion (1995).

(3) Le taux de chômage est passé de 1974 à 1993 de 2,8 à 10,8 (soit 12,3% de la population active) alors que pour l'ensemble de la Communauté européenne il passe de 2,8 à 10,4. Phénomène général en Europe qui touche plus fortement les travailleurs les moins qualifiés et les jeunes. Cf. Alain MINC: La France de l'an 2000. Edit. Odile Jacob (1994).

(4) La paternité de la formule est d'Alain MADELIN (in M. Cotta:  Carnets secrets de la présidentielle mars 2001-mai 2002). Edit. Plon (2002).

(5) Ghislaine OTTENHEIMER: Le fiasco. Edit. Albin Michel (1996).

 

Note complémentaire :

Jacques DELORS s'expliquera sur son refus à se présenter à l'élection présidentielle par son impossibilité à associer son parti (Parti Socialiste) à une partie des Centristes (démocrates-chrétiens) lesquels partagent pourtant l'essentiel des orientations en matière sociale et européenne. Cette méthode appliquée au niveau européen lorsqu'il était président de la Commission de Bruxelles, et qui avait pu faire avancer l'intégration européenne, ne lui est pas apparu transposable en France (1).

 

Note annexe:

(1) Jacques DELORS: Mes quatre vérités in "Le Nouvel Observateur" N°2044 des 8-14/1/2004.

 

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