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Histoire électorale de Banyuls sur mer
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Claude Razouls-1

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27 août 2017

49 - Présidentielles des 24 avril et 10 mai 1988

49 - Présidentielles des 24 avril et 10 mai 1988  

La cohabitation, expérience nouvelle sous la Ve République, et que certains redoutaient pour les Institutions, se déroule d'une manière satisfaisante de ce point de vue (du moins en apparence). François MITTERRAND, le pourfendeur de la Constitution de 1958, de l'armement nucléaire et des ventes d'armes à l'étranger, s'est parfaitement acclimaté au rôle d'un Président au-dessus du quotidien (1).

Aux nationalisations qui ont coûté fort cher, succèdent les privatisations sous Édouard BALLADUR (ministre de l'Économie). Seul point commun entre les ministres des finances du PS et du RPR, l'inflation est contenue comme elle ne l'avait jamais été en France, imposée par le serpent monétaire européen (la politique économique de la France  se fait "à la corbeille" et. . . à Bruxelles). Le chômage stagne autour des 3 millions, accompagné de mesurettes provisoires qui durent (style "TUC", stages de formation, travail à mi-temps) et créent autant de sous-smicards.

Conformément à l'article 20 de la Constitution, le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation . . . en conséquence sa cote baisse dans les sondages, tandis que celle de MITTERRAND monte.

Nul ne doute que Jacques CHIRAC sera candidat à l'élection présidentielle, de même que Raymond BARRE qui s'avance du pas de la tortue (Barzy, l'ours du Bébête-Show de la télé, lançant des coups de patte en direction des "cohabitationnistes" et du "microcosme politicien").

Quant à GISCARD D'ESTAING, il garde une neutralité prudente entre les deux anciens premiers ministres de son septennat (certains se demandent s'il ne ménage pas MITTERRAND en prévision des élections européennes de 1989, où il ambitionne de jouer un rôle: le premier naturellement).

Bien que MITTERRAND ne se déclare pas candidat, beaucoup pensent qu'il est le seul au PS à pouvoir se succéder à lui-même.

Michel ROCARD, comme à la présidentielle précédente, se déclare candidat si . . .  et à toutes fins utiles pour devancer ses petits camarades, en réponse, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, aussi. On les considère l'un et l'autre comme les ailes droite et gauche du sphinx de l'Élysée (à ne pas confondre avec la momie de la pyramide du Louvre).

Certes l'âge de MITTERRAND (71 ans) sera "gentiment" souligné par Jacques CHIRAC.

Si en France, on se torture l'esprit pour savoir "s'il sera ou non candidat", à l'étranger (cela existe) on le donne déjà vainqueur depuis . . . plusieurs mois, comme d'ailleurs Georges BUSH aux USA (également en campagne des présidentielles), et Salinas DE GORTARI chez mes amis mexicains. J'ai suivi en six mois. . . 3 campagnes présidentielles !

À Ensenada (Baja California) où je résidais, les Mexicains m'interrogeaient surtout sur la montée du racisme en France. Une triste image de la France dans un pays francophile, et qui rappelle à ceux de ma génération des souvenirs sinistres.

  Bien que loin de Banyuls, mais dans un cadre qui me le rappelle, avec ses vignes et un paysage semblable à celui de la Baillaury multipliée par 100, les informations dans les journaux américains étaient fort bien documentées, les événements de Nouvelle-Calédonie (Ouvéa) comme le problème des otages au Liban y étaient largement évoqués.

 

J'ai reçu la "Lettre à tous les Français" qui est loin du Programme commun, mais constitue sans doute pour nombre d'électeurs de gauche la carte forcée comme celle des prestidigitateurs.

La liste des candidats n'apporte que peu de surprises, même pas la présence de deux communistes, l'orthodoxe (si l'on peut dire) André LAJOINIE et le contestataire, dit rénovateur, Pierre JUQUIN.

Arlette est toujours là, signe au moins de bonne santé et de . . . persévérance, et un trotskiste Pierre BOUSSEL, dont la candidature célèbre le 50 ème anniversaire de la création de la 4 ème internationale en présence du fils de TROTSKI (assassiné à Mexico par les agents de STALINE).

Antoine WAECHTER, conseiller régional d'Alsace, ancien membre du Comité Economique et Social, Ingénieur écologue [sic], assume la succession de René DUMONT candidat en 1974 et de Brice LALONDE en 1981 pour ces présidentielles. "L'écologie est au rendez-vous. Plus qu'un vote, c'est le choix de la vie".

Jean-Marie LE PEN est de nouveau candidat (déjà en 1974) et s'en prend naturellement aux politiques successives de la gauche (marxiste) et de la "non-droite" (sous-entendu CHIRAC et BARRE): "Pourquoi feraient-ils demain ce qu'ils n'ont pas su faire hier ? Cette fois-ci j'ai compris. Je vote LE PEN " (sic). La cible essentielle est J. CHIRAC avec référence au Sida: les socialo-positifs que sont le RPR et l'UDF.

En avril la moyenne des sondages de six instituts (in "L'Indépendant" du 17/4) donnait 36,4% pour MITTERRAND, 23,25% pour CHIRAC, 16,5% pour BARRE et 11,1% pour LE PEN, LAJOINIE 6%, JUQUIN 2,25%, WAECHTER 2,5%, LAGUILLER 1%. Pour le second tour MITTERRAND est donné gagnant devant CHIRAC par 55,5 à 52% .

 

Résultats (1er tour) :

                               Banyuls                  Département                       Métropole

Inscrits:           3736 (+ 95 /1986)             254.980                         37.931.494

Abst.:                 720   (19,27%)                (20,67%)                       (18,52 %)

Votants:          3016 (80,73%)                  (79,33%)                       (81,47 %)

Blancs:                 50(  1,66%)                   (  1,87%)                       (  2,01 %)

S.Expr.:           2966   (79,39%)                (77,85%)                       (79,83 %)

 

MITTERRAND:1023 (34,49% S.E)        (31,40% S.E)                (34,10% S.E)

CHIRAC:            777 (26,20% --)            (17,81% --)                   (19,90% --)

BARRE:              333 (11,23% --)            (13,39% --)                   (16,55% --)w

LE PEN:              437 (14,73% --)            (20,52% --)                   (14,41% --)

LAJOINIE:          195 (  6,57% --)            (  9,38% --)                   (  6,78% --)

JUQUIN:               53 (  1,79% --)            (  2,42% --)                   (  2,10% --)

LAGUILLER:                   45                    (  1,52% --)                   (  1,56% --)      (  2,00% --)

BOUSSEL:              8 (  0,27% --)            (  0,29% --)                   (  0,38% --)

WAECHTER:        95(  3,20% --)             (  3,18% --)                   (  3,78% --)

 

Remarques :

Les abstentions sont légèrement inférieures à celles de 1981 (-2,63%), mais en nombre absolu il n'y a que 7 abstentionnistes de plus  (les inscrits ont augmenté de +480/ 1981).

En 7 ans, l'accroissement des inscrits est très élevé et près de 15% du corps électoral correspondent à un renouvellement démographique.

MITTERRAND améliore son score (+276 voix) du 1er tour de 1981, et de +4,76% S.E par rapport à 1981. Il fait mieux que les candidats du PS aux législatives de 1986 (+145).

CHIRAC augmente son score par rapport à 1981 (+352 voix), et +9,29% des S.E./ 81, mais il est vrai qu'à l'époque il s'opposait à GISCARD, président sortant.

BARRE ne pouvait prétendre faire le score de GISCARD en 1981, mais totalise, malgré une campagne peu percutante et des alliés peu fiables (comme LEOTARD), un meilleur pourcentage sur le plan national qu'à Banyuls, alors que c'est l'inverse pour CHIRAC. Son résultat est cependant loin d'être ridicule puisqu'il talonne CHIRAC plus dynamique, et disons-le, qui a pris un risque avec la cohabitation, sans grand espoir en deux ans d'améliorer très sensiblement la situation.

Le Front national poursuit son ascension et bat des records comme au plan départemental, puisqu'il arrive en . . . seconde position ! À Banyuls, son score est plus conforme au vote national, ce qui est tout de même assez étonnant, et gagne + 48 voix / 1986. Avec plus de 4 millions de voix, il entre  … dans "la bande des 4"  si longtemps combattue. Le Pen appelle à voter pour "le candidat résiduel", c'est-à-dire J. CHIRAC.

L'autre surprise relative est l'effondrement du Parti communiste, du jamais vu depuis 50 ans, se condensant à son "noyau dur" (248 si l'on fait la somme de LAJOINIE + JUQUIN). Où sont les 689 voix du PCF du 21 octobre 1945 à Banyuls ? Les jeunes n'ont sans doute pas pris le relais.

L'opération des rénovateurs JUQUIN et FIZBIN (2) justifie amplement le précepte que "nul n'a raison contre son parti".

Arlette LAGUILLER est en perte de vitesse par rapport à 1981 (-13 voix), et même si on lui ajoute la LCR : - 5 voix.

Les écologistes font leur meilleur score depuis leur apparition sur la scène politique. Avec plus de 1 million de voix (3,78 % S.E.) sur le plan national le mouvement écologiste affirme bien une préoccupation constante de certains. Notons que le mode de scrutin à la proportionnelle, permet l'expression de cette préoccupation environnementale.

Théoriquement la somme des voix de  droite (50,86%) est supérieure à celle de la gauche (45,36%), et 49,14% si tous les votes verts se portaient sur MITTERRAND. Pourtant le second tour s'annonce sans problème, la presse américaine annonce déjà le " loser ". 

Résultats (2 ème tour) :

                               Banyuls                      Département                   Métropole

Inscrits:           3736 (+480/1981)             251.855                         36.061.919

Abst.:                 507   (13,57%)                (15,85%)                       (15,82%)

Votants:          3229   (86,43%)                (84,15%)                       (84,18%)

Blancs:                 85   (  2,63%)                (  3,72%)                       (  3,65%)

S.Expr.:           3144   (84,15%)                (81,02%)                       (81,11%)

Mitterrand:      1645   (52,32% S.E)         (52,61% S.E)                (54,02% S.E)

Chirac:            1499   (47,68% --)            (47,39% --)                   (45,97% --)

 

Remarques :

Les abstentions atteignent une baisse record à Banyuls (comme d'ailleurs au plan national) avec + 213 votants en plus au 2 ème tour. Les blancs et nuls augmentent peu (+ 35).

MITTERRAND aurait dû totaliser au maximum 1419 voix, en fait il gagne +226 voix de plus que toutes les gauches réunies plus les écologistes.

CHIRAC aurait pu compter sur 1547 voix en ajoutant BARRE + LE PEN. Il lui manque 48 voix: soit les 35 votes blancs et les 13 voix qui se sont reportées sur MITTERRAND (des Barristes ?), car le total est bon (213 nouveaux votants + 13 = 226). Mais comme ceci suppose que tous les nouveaux votants du 2 ème tour ont voté pour MITTERRAND, et qu'une probabilité de 1 est impossible, la réalité est sans doute plus complexe et tient sans doute  dans un subtil chassé-croisé d'électeurs (3).

Les gains de MITTERRAND par rapport à 1981 ne sont pourtant que de 73 voix. Si l'on suppose que tous ceux qui avaient voté pour GISCARD  en 1981 ont choisi le même camp, on aurait 480 - 73 = 407 voix pour CHIRAC (qui a gagné 361 voix par rapport au second tour de 1981). Sans aller jusqu'à ce nombre, on peut effectivement penser qu'une fraction beaucoup plus importante des nouveaux inscrits se sont bien reportés sur ce dernier.

En pourcentage MITTERRAND a régressé (- 5,68%) au bénéfice de CHIRAC. Sur le plan départemental, les résultats sont comparables à Banyuls, alors qu'au plan national MITTERRAND l'emporte plus largement (4). Tout laisse supposer que des électeurs centristes et de jeunes nouveaux électeurs ont voulu préserver l'avenir, avec un Président garant des acquis sociaux et des libertés, cohabitant avec une droite garante de l'économie de marché [N. de l'a]. Les subtils talents démagogiques de MITTERRAND et la division de la droite comme du PCF ont assuré sa réélection (5).

  Pour la première fois sous la Ve République, un président double son septennat, et améliore même son score (+ 2,27%).

 

Notes annexes :

(1) Cf. François MITTERRAND: Discours 1981-1995. Edit. Europolis (1995). Pierre FAVIER & Michel MARTIN-ROLAND: La décennie MITTERRAND 1 (1981-1984) & 2 (1984-1988). Edit. Seuil (1990 & 1991).

(2) Concernant les désaccords avec son parti, on consultera le livre de H. FIZBIN: Les bouches s'ouvrent. Edit. Grasset (1980).

(3)  Un examen des cahiers d'émargements montre que pour les deux tours 332 inscrits ne se sont pas déplacés (sur ce total 7 sont des inscrits de l'étranger, 21 ont été radiés des listes et 17 sont décédés récemment), ce qui porte le total à 287 (7,68%). Parmi les inscrits 81 ne sont venus qu'au 1er tour et 275 qu'au second.

On peut en déduire que 149 inscrits se sont abstenus aux 2 tours de cette élection, l'imprécision porte sur + ou - 9 inscrits.

La somme PS + PCF + Rénov. + L.O + LCR = 1324, soit un accroissement de +321.

CHIRAC augmente de +722. Or BARRE + LE PEN = 770 . Ce candidat n'a donc pas bénéficié de toutes les voix de droite (- 48)

Les votes blancs ont augmenté de +35.

Comment se sont reportés les écologistes et les 275 nouveaux votants (= 370)?

(4) Certains spécialistes estiment que 14 % des électeurs barristes ont voté MITTERRAND, 5% s'abstenant. 35% de l'électorat de LE PEN n'auraient pas voté pour CHIRAC.

(5) Cf. Laurent FABIUS: C'est en allant vers la mer. Seuil (1990). Cf. Michel NAUDY: P.C.F. le suicide. Edit. Albin Michel (1986).

 

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